Le rôle des gigafactories dans la réduction des émissions de CO2
Par Sandrine Cheminaud, Directrice Développement de la Division Industrie des Procédés
Depuis plusieurs années, les Hauts-de-France deviennent la vallée de la batterie. En effet, d'immenses projets d'usine y fleurissent pour fabriquer les futures batteries de nos véhicules électriques « made in France ». La France a pour ambition de produire 2 millions de véhicules électriques d'ici 2030 pour réduire ses émissions de CO2. L'Europe, en tant que grand fabricant de voitures, a imposé la fin des véhicules thermiques à partir de 2035.
Le prix de la batterie représentant 40 % du prix d'un véhicule, qu'est-ce que cela implique pour l'industrie automobile européenne ?
Effectivement, si l'Europe rate le virage de fabrication des batteries dans les gigafactories en Europe, les fabricants automobiles vont avoir de très gros problèmes.
Pourquoi appelle-t-on ces usines des gigafactories ?
On les appelle des gigafactories en raison de leur grande taille, nécessaire pour atteindre la rentabilité. Le terme “gigafactories” été inventé par Elon Musk.
Les gigafactories s'inscrivent dans la construction d'un avenir décarboné. Et qui dit secteur de pointe dit forcément besoin de partenaires experts et agiles. Pouvez-vous nous parler des premiers projets en Europe ?
En Europe, c'est une startup scandinave qui a initié le premier projet d'usine de batteries en 2018. Nous sommes allés à leur rencontre en Suède pour leur expliquer que nous pouvions les accompagner sur certains sujets grâce à notre expertise en chimie, salles blanches et salles sèches. La curiosité est primordiale dans ces nouveaux métiers et processus que nous connaissons encore peu. Nous leur avons demandé : « Pouvez-vous nous expliquer comment fabriquer une batterie ? » Pendant deux heures, ils nous ont tout raconté. Ils nous ont expliqué qu'à la fin de la fabrication de la batterie, il faut injecter un solvant toxique et inflammable appelé électrolyte, nécessitant des techniques de fabrication spécifiques. Ils nous ont dit que seuls les Américains maîtrisaient ce processus.
Nous leur avons répondu : « Nous aussi, nous savons faire ».
C'est ainsi que tout a commencé. Nous avons construit la solution ensemble et gagné leur confiance. Ensuite, dans un deuxième temps, ils nous ont consultés pour le gros sujet de la gigafactory pour les clean & dry rooms. C'est un très gros projet que nous avons remporté parce que nous les avions convaincus sur un premier sujet et gagnés leur confiance.
En tant que directrice du développement marché, vous travaillez sur les projets d'usines de batteries électriques les plus ambitieuses de France. Pouvez-vous nous parler des projets de gigafactories en France ?
En France, il y a actuellement 3 à 4 sujets de gigafactories sur le marché. Notre expérience et notre expertise nous ont permis d'intéresser tous les acteurs. L'industrie n'étant pas mature, il faut être extrêmement agile et proposer des solutions adaptées en permanence. Nous savons aller chercher les ressources là où elles sont, c'est notre force, nous arrivons à être très réactifs pour répondre sur les sujets.
Quels sont les projets les plus importants sur lesquels Equans travaille ?
Parmi les projets les plus importants, il y a la gigafactory ACC de Billy-Berclau Douvrin, un projet au cœur de la quatrième révolution industrielle. ACC (Automotive Cells Company) est une start-up construite par Saft (construction de batteries pour les satellites), Stellantis (la nouvelle entité de Citroën, Peugeot et Fiat), et Mercedes. Ils ont décidé de créer des batteries dans les Hauts-de-France pour être près des fabricants automobiles et acquérir un savoir-faire sur ces métiers.
Un autre projet de grande ampleur, l'usine Envision de Douai qui produira les futures batteries des véhicules électriques de Renault. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Envision est une société expérimentée qui existe depuis des années et qui a déjà construit des gigafactories en Asie. Elle a remporté le marché de Renault, et construit sa première gigafactory en France à Douai avec 100 % des batteries qui seront revendues à Renault.
Comment sont créées les batteries électriques?
Le lithium utilisé dans les batteries est extrêmement sensible à l'eau, c'est pourquoi nous réalisons des salles anhydres pour empêcher toute humidité de rentrer en contact avec les métaux rares. Il faut donc des salles sèches avec un taux d'hygrométrie très faible. Les métaux utilisés sont ensuite transformés en poudre puis en deux pâtes, la cathode et l'anode. Ces pâtes sont étalées et passées dans de très gros fours, puis empilées en plusieurs couches de cathode et d'anodes. On les met dans des boîtes et on y injecte de l'électrolyte. Et voilà, cela fait une batterie électrique.
Le marché automobile engage aujourd'hui sa révolution électrique pour réduire l'empreinte carbone de notre mobilité du quotidien. Mais une autre question se pose déjà : Que faire des batteries une fois qu'elles sont en fin de vie ?
L'avenir des batteries pour les véhicules électriques n'aura de sens que si nous savons les recycler. Il y a beaucoup de matières premières : du lithium, du manganèse, du nickel. Toutes ces ressources pourraient un jour se tarir. De plus, il existe des projets pharaoniques de fabrication de batteries. Sans projet de recyclage des batteries, cela ne fonctionnera pas, le cycle ne sera pas fermé.
La start-up suédoise est en train de construire son usine de traitement des batteries usagées. En France, les fabricants de batteries travaillent avec des chimistes pour développer des solutions de recyclage. Dans un premier temps, le recyclage des batteries va servir à recycler les scraps pendant la production. Il s’agit des batteries défectueuses qui sont testées durant la production. Les fabricants vont optimiser par la suite leur ligne de production. Et ensuite, ce seront bien évidemment les batteries qui arriveront en fin de vie qui seront recyclées.
Les industriels réfléchissent à la chaîne de valeur complète des batteries électriques. De l'approvisionnement des métaux jusqu'au recyclage des batteries hors d'usage.