14/09/2023
Vers une interdiction des émulseurs fluorés en 2025 : comment adapter vos installations ?
Les premiers émulseurs à base de fluor ont été développés au cours des années 60. Ils contenaient des surfactants fluorés qui permettaient à la mousse de couvrir rapidement les liquides enflammés et favorisaient le refroidissement et l’extinction des feux. Ce sont des émulseurs AFFF (Agent Formant un Film Flottant).
Quels sont les types d’émulseurs à utiliser en fonction du risque incendie ?
Les émulseurs AFFF répondent à des feux de classe B (liquides inflammables), il en existe deux catégories, les hydrocarbures et les solvants polaires (alcools, esters, éthers, etc.).
Pour les solvants polaires, les émulseurs AFFF/ARC sont utilisés car ils ont des actifs fluorés imperméables aux solvants.
Les émulseurs peuvent être issus de composés naturels, synthétiques ou être mixtes.
On dénombre 6 familles d’émulseurs :
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émulseurs protéiniques (P) : ce sont des liquides dérivés de substances protéiniques hydrolysées (abats d’origine animale par exemple) ;
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émulseurs fluoroprotéiniques (FPs : Fluoroprotein Foams) : ce sont des émulseurs protéiniques auxquels ont été ajoutés des agents tensioactifs fluorés ;
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émulseurs synthétiques (S) : ils sont généralement basés sur des mélanges d’agents tensioactifs hydrocarbonés et peuvent contenir des agents tensioactifs fluorés ainsi que des stabilisants complémentaires ;
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émulseurs résistants à l’alcool (AR : Alcools Resistant) : ils peuvent convenir à une utilisation sur des hydrocarbures et les mousses ne se détruisent pas lorsqu’on les applique à la surface de liquides ayant une affinité pour l’eau. Certains émulseurs AR peuvent précipiter une pellicule polymère à la surface du liquide ;
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émulseurs filmogènes (AFFFs : Aqueous Film-Forming Foam concentrates) : ils ont généralement pour base des mélanges d’agents tensioactifs hydrocarbonés et fluorés qui ont en plus la propriété de former une pellicule aqueuse à la surface de certains hydrocarbures ;
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émulseurs filmogènes fluoroprotéiniques (FFFPs : Film-Forming FluoroProtein Foam concentrates) ; ce sont des émulseurs fluoroprotéiniques qui ont la propriété de former un film aqueux à la surface de certains hydrocarbures.
Attention : Les 5 dernières familles citées ci-dessus peuvent contenir des tensio-actifs fluorés et font parties des émulseurs dits chaines longues (C8) ou chaines courtes (C6).
Pourquoi les émulseurs contenant du fluor seront interdit en 2025 ?
Les émulseurs anti-incendie qui contiennent des tensioactifs fluorés sont appelé des PFAS (polyfluoroalkylés).
Ils sont également connus sous le nom de « substances chimiques éternelles » car ils sont persistants dans l’environnement et peuvent « se fixer » dans le sang des êtres humains et des animaux.
Bien que les PFAS contiennent toujours du fluor, ils ont évolué avec les années en diminuant les tensioactifs fluorés.
L’évolution de la règlementation pour les émulseurs contenant du fluor :
Une première directive (EU 2006/122) sort en 2006 interdisant les PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) à partir de 2011.
Une deuxième directive (UE 2020/784) a interdit la production des PFOA (acide perfluorooctanoïque) à partir de juillet 2011 et l’utilisation est interdite depuis juillet 2023 sauf dans le cas où l’on peut récupérer le produit. La fin totale est prévue pour en juillet 2025.
Ces émulseurs sont aussi appelés C8 ou chaine longue.
Un projet de directive était prévu (PFHxA) en décembre 2019 pour interdire ou limiter les émulseurs de type C6 (chaine courte). Ce sont tous les émulseurs utilisés aujourd’hui en AFFF. Le projet a été abandonné au profil d’une réglementation plus large sur les PFAS.
Un nouvel arrêté ministériel le 20 juin 2023 parle également des PFAS :
Le ministère de la transition écologique a dévoilé au mois de janvier 2023 un plan stratégiques en 6 axes :
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Axe d’action 1 : Disposer de normes sur les rejets et les milieux pour guider l’action publique
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Axe d’action 2 : Porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l’utilisation ou la mise sur le marché des PFAS
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Axe d’action 3 : Améliorer la connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux, en particulier des milieux aquatiques, pour réduire l’exposition des populations
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Axe d’action 4 : Réduire les émissions des industriels émetteurs de façon significative
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Axe d’action 5 : La transparence sur les informations disponibles
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Axe d’action 6 : Une intégration, à moyen terme dans le plan micropolluants.
L’arrêté concerne l’axe d’action 3 ; les ICPE classé au régime de l’autorisation sont soumis à cette arrêté (en fonction des rubriques indiquée dans l’arrêté).
L’arrête défini les modalités d’identification et d’analyse des PFAS qui peuvent être rejetés dans le milieu naturel. Les installations anti-incendie par mousse sont concernées par ces analyses.
Cette campagne de mesure et prélèvement doit être réalisé par un organisme ou un laboratoire agréé suivant un calendrier en fonction de la rubrique de l’établissement.
Il n’y aucune conséquence sur les installations d’extinction maintenues par les installateurs avec cet arrêté. Seuls les exploitants sont contraints par la réalisation de contrôle sur les rejets. En revanche, attention aux essais de solutions moussantes lors des opérations de mesure de concentration, il est exclu de rejeter des PFAS dans le milieu naturel.
Les émulseurs non fluorés ne sont bien évidemment concernés par aucunes de ces directives.
Le projet de règlementation sur les PFAS pour les mousses anti-incendie :
La commission Européenne a missionné le laboratoire ECHA (European Chemicals Agency) dans l’analyse d’un calendrier et de proposition interdisant tous les émulseurs contenant des PFAS .
L’ECHA a sorti un premier rapport en janvier 2022. Le comité d’évaluation des risques (RAC) et comité d’analyse socio-économique (SEAC) avait jusqu’en juin 2023 pour émettre un avis sur la proposition. Le délais a été prolongé jusqu’à fin septembre (voir plus tard …).
Tableau de proposition de L’ECHA si le texte est validé et publié début ou mi-2024.
Pour les sites non SEVESO, les exploitants auront 5 ans à partir de la publication pour changer leurs émulseurs. Pour les sites SEVESO c’est 10 ans.
Aujourd’hui le RAC et le SEAC sont en discussion sur les problématiques des extincteurs (dates trop courtes), de l’offshore, transport des liquides inflammable sur la route, stockage temporaire etc…
Le projet de règlementation sur les PFAS dit « universels » pour les autres produits :
Il existe d’autres projets de réglementation sur les PFAS dits « universels » concernant d’autres produits contenant des PFAS sur des secteurs d’activités hors installation mousse, notamment des systèmes à gaz pour les installations incendie (Gaz NOVEC par exemple).
Peut-on réaliser facilement la transition vers des émulseurs sans fluor ?
La plupart des émulseurs AFFF (fluorés) sont des fluides newtoniens, ils ont une viscosité faible.
Les émulseurs sans fluor (SFFF / F3) ont au contraire généralement une viscosité importante, ce sont des pseudo-plastiques.
Les principaux inconvénients des émulseurs sans fluor sont :
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Il n’y a pas de formation de film flottant
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Le foisonnement est nécessaire pour garantir une extinction
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Les émulseurs sans fluor sont visqueux, il faut choisir le proportionneur en conséquence et donc possiblement changer votre matériel.
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Les émulseurs sans fluor ne sont pas des produits de substitution directs aux AFFF et / ou AFFF-AR (Taux d’application plus élevés, plus forte viscosité … pouvant nécessiter un changement partiel ou complet de l’installation).
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Les émulseurs sans fluor ont des dénominations différentes en fonction des standards choisis : S par UL, SFFF dans la NFPA ou FM ou encore F3 dans le standard Européen.
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Le cout des émulseurs sans fluor est aujourd’hui plus élevé que les AFFF classiques.
Vous l’aurez compris, les émulseurs sans fluor sont sans communes mesures bien plus respectables pour l’environnement et la préservation des ressources de notre planète que les émulseurs fluorés.
Comment effectuer la transition des systèmes AFFF vers F3 :
Un simple échange d’émulseur n’est pas possible, un audit du système sur site et d’évaluation des risque doit être réalisé.
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Approbations et compatibilité des équipements [ex. Sprinkleurs avec l’émulseur] doivent être évalués.
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Les performances de la mousse par rapport à l’ancienne.
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Le taux d’application utilisé pour la conception initiale [les F3 peuvent nécessiter des taux plus élevés s’ils ne sont pas correctement sélectionnés]
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La viscosité du nouvel émulseur peut impacter le système de dosage ainsi que la perte de charge du système ainsi que le débit de décharge de la mousse.
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Voir les attentes en matière de décontamination des PFAS, réseau, réservoir émulseur.
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Prévoir des essais pour valider le fonctionnement avec le nouvel émulseur.
Les équipes d’experts en risques spéciaux d’Axima Sécurité Incendie sont bien évidemment à votre disposition pour vous accompagner dans votre transition.