La résilience au service de la victoire en aviron
Quand on peut on doit !
Par Alexis Sanchez, Ingénieur système chez SCLE SFE qui raconte son parcours sportif
Comment avez-vous commencé l’aviron ?
Quand j’étais en centre de rééducation, je n’avais pas encore mes prothèses, donc il ne fallait pas un sport qui sollicite les membres inférieurs. Il me fallait surtout quelque chose qui me sollicite les bras. Et justement, il y avait une journée handisport qui était organisée au centre de rééducation à la Bourbonne à Aubagne.
Ma coach est venue me chercher, a trouvé que j’avais du potentiel et c’est ainsi que j’ai commencé l’aviron sur l’eau.
Et de fil en aiguille, je suis parti en compétition. J’ai commencé à avoir des résultats et je me suis fixé comme objectif de participer à l’évènement sportif de l’été 2024.
Avec l'association "La Vie Sourire", vous vous entraînez de façon intensive en vue d'obtenir la qualification pour les jeux sportifs de l’été 2024. Qu'est-ce qui fait la différence entre être premier ou non ?
L’aviron n’est pas un sport ingrat dans le sens où plus on s’investit plus on va être récompensé. La victoire s’obtient sur le mental et le niveau d’investissement aux entraînements. Selon moi, celui qui s’est le plus préparé doit gagner
Votre détermination semble être également nourrie par votre parcours de vie et votre handicap. Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai eu l’accident à 21 ans, donc forcément à 21 ans, on est très insouciant. On pense que tout est facile, que la vie est facile, que le mauvais, ça n’arrive qu’aux autres. Ça m’a fait redescendre sur terre très rapidement !
J’ai pris conscience de la chance aussi que j’avais d’être encore en vie, de pouvoir encore me trouver ici, de faire tout type de sport, de pouvoir marcher parce que je suis dans une situation où je bénéficie d’une prothèse.
J’ai perdu mes jambes mais je peux encore marcher parce que justement il y a une technologie qui permet aux gens atteints par ma pathologie de remarcher. Je me sens assez chanceux par rapport à des gens qui n’auraient pas l’autonomie que j’ai à l’heure actuelle.
Cela m’a permis de prendre beaucoup de recul sur la vie. Je pense ce qui m’a le plus apporté, c’est que je me suis rendu compte de la force que j’avais. Le handicap, c’est une adversité et on dit souvent que c’est dans l’adversité qu’on se rend compte vraiment de notre vraie nature, de notre vraie force.
C’est grâce à cette adversité que je me suis rendu compte de la force que j’avais, la mentalité que j’avais, et ce que j’avais au fond de moi.
Vous avez récemment remporté une course importante. Pouvez-vous nous raconter cette expérience ?
C’était une compétition, ma première régate internationale, sur le futur bassin olympique, à Vaires-sur-Marne, près de Paris, où aura lieu l’évènement sportif de l’été 2024.
Dans cette compétition, il y avait le numéro un français de l'époque, champion de France en 2021 et participant aux jeux sportifs de Tokyo. Lors d'une course nous étions bord à bord dans la même ligne d'eau. La course commence, je pars plus fort que lui, mais petit problème, je perds ma prothèse. J'avais à peine parcouru 50 mètres. J'ai eu une seconde de déconcentration, je heurte une bouée, deux bouées. Il faut savoir que lorsque nous prenons des coups, nous ne sommes pas loin de chavirer, ce qui nous fait perdre énormément de temps. Donc j'en prends une, deux, trois… Ma prothèse ne se remet pas. Il m’a forcément dépassé. Il a creusé un petit écart en plus. Je me dis alors qu'il n'y a plus de choix, il me reste encore 1950 mètres. Il faut tout donner et essayer de trouver un rythme que je pensais inatteignable et voir si je peux le maintenir jusqu'au bout. C'est ma seule chance de réussir à remporter cette course. C'est ce que j'ai fait ! Dans les derniers 500 mètres, je l’ai dépassé. Forcément, une immense joie m'envahit et c'est là que tout se manifeste à la fin. C'est vraiment ma plus belle course.
Vous travaillez également chez Equans, dans le service innovation digitale de l'entité SCLE SFE. En quoi votre tempérament sportif vous aide-t-il dans votre travail ?
Cette rigueur exigée au plus haut niveau sportif nous pousse à adopter une approche similaire dans le milieu professionnel. Quand on a des objectifs élevés et professionnels, il faut mettre en place un plan d'action, il faut avoir un certain recul, une certaine vision des objectifs à court, moyen et long terme.
Ce recul que j'essaie d'avoir sur les choses grâce au handicap et grâce au sport de haut niveau en aviron, je pense que ça m'aide beaucoup pour ma performance en milieu professionnel.
Quelle est votre devise ?
Alors ma devise est de Napoléon, c'est : « Quand on veut, on peut et quand on peut, on doit ! » C'est la deuxième partie que je trouve hyper intéressante. On a la chance d'être dans la situation dans laquelle on est, on trouvera toujours pire. Donc vis-à-vis des gens qui n'ont pas la chance que l'on a, je pense qu'on se doit de réaliser ses objectifs et de se donner à fond dans ce qu'on entreprend, dans ce qu'on fait.