Performance énergétique et innovation
Les clés d’une décarbonation efficace des espaces de vie et de travail
Par Sarah Sassier, Responsable du Pôle Décarbonation d’Equans Services Bâtiments et Infrastructures.
Les ambitions fortes pour le climat, en France et au niveau international, appellent l’industrie et le secteur tertiaire à accentuer leurs efforts pour s’engager dans des trajectoires de plus en plus vertueuses, entre réduction des consommations énergétiques et dispositifs innovants.
Pourquoi la décarbonation des bâtiments et des infrastructures est-elle un enjeu prioritaire et complexe ?
La trajectoire à mettre en place nécessite à la fois d’améliorer la performance énergétique des bâtiments et des installations, c’est-à-dire d’agir sur les scopes 1 et 2, sans oublier le scope 3 en multipliant les efforts sur les achats et l’empreinte des fournisseurs. Il est indispensable d’actionner tous les leviers ayant un impact majeur dans les bilans carbone des entreprises.
Si les grands groupes sont engagés depuis plusieurs années dans la décarbonation, la réglementation s’impose désormais aux entreprises de plus de 250 salariés réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros. L’assiette des entreprises concernées ne va cesser de s’agrandir afin de répondre aux objectifs fixés par les accords de Paris. Outre la nécessité de contribuer au défi climatique, il s’agit aussi pour les acteurs économiques de répondre aux critères extra-financiers, véritables passeports pour la croissance et la pérennité de l’activité économique.
Aujourd’hui, il faut reconnaître que la décarbonation répond à une méthodologie reconnue et partagée par tous. Si la démarche n’est pas compliquée en elle-même, elle n’en demeure pas moins complexe en raison de la multiplicité des actions à mener sur le terrain et du nombre d’acteurs à embarquer. La notion de leadership est donc essentielle puisqu’il faut sensibiliser et coordonner toutes les strates des entreprises pour garantir le succès du processus.
Concrètement, quels sont les leviers efficaces ?
Pour une décarbonation efficace des bâtiments et des infrastructures, tertiaires comme industriels, il est impératif d’évaluer préalablement les émissions des gaz à effet de serre correspondant à l’exploitation du bâtiment. Sur cette base, nous établissons ensuite un plan de progrès contenant des objectifs de réduction et un plan d’actions de décarbonation.
Par exemple, il peut s’agir d’actions de performance énergétique. La performance énergétique passe par une revue détaillée de la programmation des équipements. Il est par exemple fréquent de voir des centrales de traitement d’air activées de manière inutile la nuit. L’installation de capteurs permet d’aller plus loin en automatisant les réglages de l’éclairage, du chaud et du froid à la présence effective de personnes dans les bâtiments. Ces investissements peuvent être complétés par un plan de remplacement des équipements vétustes ou affichant de faibles performances énergétiques, comme d’anciennes pompes à chaleur énergivores. En complément de la chasse au gaspillage énergétique, les fuites de fluides frigorigènes doivent être identifiées. Ces substances utilisées dans les installations industrielles ou dans le commerce sont également présentes dans tous les bâtiments équipés de systèmes de climatisation. Leur interdiction programmée à horizon 2030 implique une adaptation des systèmes.
Et enfin, la décarbonation implique une réduction des émissions liées aux prestataires et aux achats d’équipements. Cela signifie qu’il faut impérativement renforcer la durée de vie des installations avec une maintenance de qualité. L’objectif est de réduire le nombre et la fréquence des interventions correctives, et donc de déplacements de techniciens. Il s’agit aussi de privilégier la réparation, et même le reconditionnement des éléments avec un changement des pièces d’usure. Les équipements reconditionnés connaissent ainsi un nouveau cycle de vie, synonyme de garantie et d’assurance. En cas de nécessité, l’achat neuf doit se faire prioritairement auprès de fournisseurs proposant des produits bas carbone ou à base de plastiques recyclés. Par exemple, le remplacement d’un bloc autonome d'éclairage de sécurité (BAES) peut se faire avec des produits reconditionnés.
Quels sont les défis à relever pour accélérer la décarbonation des bâtiments ?
Pour les grands groupes, le respect des trajectoires bas carbone est un pilier de leur reporting extra-financier. Ces exigences se déclinent dans le cahier des charges des appels d’offres, ce qui implique d’actionner tous les leviers disponibles et donc d’avoir une approche globale sur les 3 scopes. Le carbon manager est le mouton à cinq pattes qui saura accélérer la décarbonation des bâtiments en étant à la croisée des chemins entre les experts de la performance énergétique, les acheteurs devenus spécialistes du reconditionnement et les fournisseurs en produits et solutions bas carbone. Il doit jongler entre l’efficacité énergétique, l’environnement et la gestion de projet en faisant preuve d’une force de conviction et d’un sens de l’innovation. Les perspectives offertes par le digital sont de nature à nous rendre optimiste dans la capacité collective à répondre à l’urgence climatique par des environnements de vie et de travail bas carbone et durable.