28.11.2023
Nucléaire : le génie mécanique au cœur de la souveraineté énergétique
Pilier des métiers techniques aux côtés du génie électrique et de la ventilation, le génie mécanique est au coeur de la relance de la filière nucléaire. A l’occasion du salon WNE, Equans annonce le lancement de Mecanuc, nouvelle marque dédiée à ces métiers stratégiques pour relever le défi technologique et garantir notre souveraineté énergétique.
Décryptage avec Pascal Rauner, Président de Mecanuc.
En quoi la mécanique est-elle un métier structurant du nucléaire ?
Sans réseaux, il ne peut y avoir d’installations opérationnelles. Le génie mécanique est en réalité une somme d’expertises indispensables au bon fonctionnement des installations. Le génie mécanique rassemble toutes les activités de tuyauterie pour concevoir, installer et opérer les différents réseaux nécessaires pour permettre le fonctionnement des installations nucléaires.
Les réseaux nécessaires au fonctionnement des centrales regroupent les réseaux de vapeur, les tuyauteries d’eaux de refroidissement, sans oublier les colonnes sèches pour accueillir le système de protection incendie ainsi que les tuyauteries d’eau déminéralisées et les circuits d’hélium. D’autres circuits concernent l’approvisionnement en air comprimé qui offrent des garanties de fonctionnement et de maintenance tout en assurant la sécurité des installations. Pour accompagner les opérateurs lors des phases d’exploitation et de maintenance, l’air respirable est évidemment indispensable, tout comme les systèmes de drainage des eaux de condensation et des eaux contaminées. Pour organiser la bonne distribution de tous ces éléments, il faut concevoir de vastes réseaux de tuyauterie, parfaitement intégrés au design de la centrale et coordonnés avec les autres réseaux.
Mais la mécanique ne s’arrête pas à ces réseaux complexes. Elle concerne aussi la mise en œuvre de composants lourds et volumineux. L’installation de machines tournantes ou de groupes sécheurs par exemple dans des zones exiguës implique des outillages de levage dédiés ou encore l’installation de charpentes provisoires.
Quelles sont les évolutions de la mécanique propres au nucléaire ?
L’ensemble des besoins mécaniques répond naturellement à des spécificités propres au nucléaire. La traçabilité est ainsi le maître-mot pour tous nos projets. A la moindre alerte ou défaillance, il est impératif de pouvoir remonter immédiatement toute la chaîne, jusqu’au fabricant et en passant par l’installateur. Cette traçabilité permet d’anticiper les difficultés et de garantir l’exigence de sécurité nucléaire des installations. L’évolution de la technologie, et en particulier l’innovation digitale, permet de concevoir des modèles 3D ou 4D en y ajoutant le planning opérationnel. Véritables outils d’aide à
la décision, ces solutions contribuent à optimiser la coordination sur le terrain et mieux tenir les délais.
Le génie mécanique inclut aussi des services connexes avec par exemple la mise en place de bases logistiques pour faciliter le flux d’approvisionnement des zones d’installation. Dans le cadre du projet ITER, nous avons conçu une base pour gérer les demandes et leur livraison sur le chantier. Certains composants propres au nucléaire sont sensibles et nécessitent un environnement adapté à leur protection et leur préservation. Là encore, les innovations sont précieuses. Sur le chantier ITER, cette prestation fondamentalement nécessaire à la réussite du projet a été mise en œuvre et donne toute satisfaction aux utilisateurs et au client final, en respectant les exigences nucléaires.
Comment faire pour relever l’immense défi du nucléaire au plan technique et humain ?
La relance forte de la filière nécessite de faire évoluer nos méthodes et de les adapter au contexte. Nous devons nous placer résolument dans une approche de management de projet avec une vision globale. Il nous faut être proactifs avec une compréhension de toute la chaîne afin de prendre en compte les exigences de sûreté, de sécurité et de qualité, la coordination, la gestion du planning... Les projets se multiplient, non seulement en France, mais aussi en Grande-Bretagne et partout en Europe. Par son rôle structurant, le génie mécanique a des besoins très importants de techniciens spécialisés et expérimentés. Le métier de soudage est indispensable et très stratégique. Il faut des années de formation et de pratique pour atteindre le niveau d’exigence et de qualité dans le nucléaire. Aujourd’hui, pour pallier le manque de soudeurs, il faut optimiser chacune de leurs interventions. Plus les ressources sont rares, plus il faut rechercher l’efficacité sur le terrain. Cela passe aussi par des partenariats qui ne sont envisageables qu’avec une parfaite connaissance mutuelle de culture nucléaire.
Innovation, digitalisation, formation : le génie mécanique est à la croisée des chemins pour renforcer sa contribution au maintien de la souveraineté énergétique européenne.