14.11.2023
Vers une amélioration de la performance énergétique des data centers
Entre solutions existantes et innovations à venir, ce secteur stratégique est au centre du défi énergétique.
Un décryptage avec Vincent Itier, Directeur de projets de construction data center chez Equans France.
Pourquoi le développement des data centers est-il un enjeu stratégique ?
Du stockage des photos de nos smartphones aux plateformes de streaming audio ou vidéo en passant par les mails et les réseaux sociaux, les data centers se rendent chaque jour toujours plus indispensables pour nos usages personnels. Et il en va de même pour les applications professionnelles des entreprises, des industriels ou des services publics. Le développement des nouvelles technologies et des solutions intelligentes nécessite des besoins supplémentaires en collecte, stockage et traitement des données. Et la généralisation de la 4G et de la 5G, synonyme d’accès à des données en volumes et à haut débit, renforce cette tendance.
Depuis une dizaine d’années déjà, les principaux hébergeurs de data construisent des data centers de plusieurs milliers de m2 avec des puissances associées importantes. Certaines villes comme Dublin sont proches de la saturation du réseau électrique en raison de l’importance des consommations énergétiques de ces installations. La transition de la mobilité et l’essor de la voiture électrique renforce ces risques de tensions sur la disponibilité des réseaux urbains, tout comme la mise en service progressive des gigafab, qui nécessitent aussi un approvisionnement énergétique important.
Pour pallier cette menace de saturation, les data centers doivent opérer leur mue afin d’améliorer leurs performances. De petites installations de proximité sont appelées à se développer. Les territoires situés à proximité des points d’accès haut débit intercontinentaux, comme Bordeaux, Marseille ou Lisbonne sont stratégiques. L’enjeu technique est de réduire les temps de latence. Une vitesse de transmission de données insuffisante peut entraîner des conséquences dramatiques, comme par exemple lors d’une télé-intervention chirurgicale.
Peut-on pallier le caractère énergivore des data centers ?
La croissance forte du marché des data centers oblige à améliorer sensiblement la performance énergétique des installations. Des solutions innovantes se multiplient, en particulier dans la production de froid, indispensable pour garantir l’intégrité des serveurs, comme le recours à des tours aéroréfrigérantes pour extraire les calories. Les serveurs sont eux-mêmes de plus en plus résistants à la chaleur, ce qui facilite l’utilisation de ces technologies. Le système de distribution du froid dans les salles est lui aussi en évolution. Pour le data center du laboratoire du CERN - Organisation européenne pour la recherche nucléaire - les experts d’Equans ont installé des fan wall qui sont de gros ventilateurs permettant de répartir l’air froid de manière lente et homogène.
Pour réussir à réduire les besoins énergétiques des data centers, il faut cumuler les bénéfices sur l’ensemble de la chaîne. Il y a une dizaine d’années, le PUE - Power Usage Effectiveness -, c’est-à-dire ratio entre la puissance totale consommée par le data center et celle consommée par les serveurs, était de 2. Autrement dit, le besoin énergétique était deux fois plus élevé que celui de l’usage même de l’installation. Aujourd’hui, le PUE est proche de 1,3 et de nouvelles solutions pourraient permettre de tendre vers 1,1, soit une consommation énergétique presque optimale.
Quelle place pour l’innovation au service de la décarbonation de ces installations ?
Pour relever ce défi de concevoir des data centers performants, il faut mobiliser les expertises le plus en amont possible. Les experts d’Equans interviennent dès le design du data center pour conseiller les opérateurs et concevoir un équipement performant. Les nouvelles technologies permettent de concevoir des data centers plus durables. La chaleur produite par les serveurs est ainsi récupérée et réutilisée pour alimenter des réseaux de chaleur urbain en chauffage et eau chaude sanitaire. Sur le site du CERN, ce sont 4 GW de chaleur qui sont captés et réinjectés au lieu d’être gaspillés. La phase de design permet aussi de mieux dimensionner les installations et d’accompagner l’ensemble des fournisseurs dans une démarche vertueuse.
D’autres systèmes novateurs ouvrent des perspectives plus qu’intéressantes, comme l’utilisation de système de refroidissement par immersion : les serveurs sont ainsi plongés dans un bac à bain d’huile pour les maintenir à bonne température au lieu de refroidir toute une salle avec des ventilateurs. Les data centers de demain pourraient aussi intégrer de la production d’énergie renouvelable sur site. Éolien et solaire sont des ressources durables et locales capables d’alimenter de manière partielle et ponctuelle les installations. L’hydrogène pourrait aussi remplacer les groupes électrogènes indispensables pour maintenir les data centers en fonctionnement en cas de coupure électrique. Ce serait un pas supplémentaire vers la décarbonation des data centers.